Décaler : (v. tr.) - Enlever la cale à ; changer l'équilibre, l'aplomb .

/ Vivre à l'étranger, c'est larguer les amarres et expérimenter le décalage / Ailleurs, on se trouve dans une posture délicate, il faut apprendre à ajuster son regard, rééquilibrer sa pensée / S'adapter et s'intégrer... / Ce blog est le fruit de mes interrogations perpétuelles, de mon regard français qui se promène sur le Cameroun, toujours un peu décalé.

samedi 1 janvier 2011

Poulet villageois et vin de palme : joyeux Noël d’Afrique !

Il fait environ 38 degrés à Yaoundé, l’Harmattan a déposé sa brume de sable sur la ville, la lumière est blanche et sèche, on met la climatisation et les ventilateurs dès qu’on peut… Bref, dans l’esprit formaté à l’Européenne, on est loin de Noël et du règne des basses températures. Pourtant, même à quelques pas de l’équateur, Noël se décline toujours selon les mêmes artifices : dans les embouteillages, entre deux Toyota jaunes -les taxis camerounais-, on voit dépasser des pointes  scintillantes et enguirlandées de nos sapins hivernaux. Les vendeurs à la sauvette se faufilent dans la circulation, avec des kilos de boules de Noël pendus à chaque bras, des guirlandes en collier … et des arbres décorés perchés sur la tête.

Sapins Chinois …

Ceux-là sont des sapins en plastique, des « chinoiseries » vendues au marché central à 20 000 FCFA (=30 euros). Les vendeurs les arrangent un peu, y ajoutent quelques fioritures et les revendent à 35 000 FCFA (=53 euros). Enfin, c’est que Joël – sur la photo- m’a dit ! Le lendemain, dans un autre quartier, on me proposait un tarif bien moindre, pour le même objet ! Dans les grands magasins (je parle des quelques supermarchés qui ont pignon sur rue), ce n’est pas la même histoire : j’ai vu une semblable « chinoiserie », parée d’une belle guirlande électrique étiquetée à 225 000 FCFA (soit, attendez que je recompte, 343 euros !!!). Un business tous azimuts, en quelque sorte.

Ici, Noël, c’est comme partout : c’est sacré, mais c’est aussi une grande fête de la consommation. Depuis quelques jours, la ville est engorgée : c’est la période des courses, et un grand nombre d’habitants viennent chercher au centre ce qu’ils ne peuvent pas trouver ailleurs : les jouets pour les enfants, les vêtements, les chocolats … « Les gens s’endettent à Noël », me dit Gladys, une amie camerounaise, « même s’ils n’ont pas beaucoup de moyens, il faut quand même dépenser ! Parfois, certains font des folies et le début d’année est très dur ensuite ! »

Noël, c’est aussi la période « des bandits » : les citadins qui rentrent à la campagne avec leurs économies suscitent des convoitises : des bandes organisées de détrousseurs, les « coupeurs de route » sévissent dans le Nord du pays, et particulièrement pendant les fêtes. Et les petits larcins sont plus nombreux en ce moment : « les gens cherchent l’argent par tous les moyens ! », entend-t-on souvent.




…et spéculation avicole

Sur les marchés, le prix des aliments flambe. Celles qui ont bien prévu leur coup ont fait leurs provisions il y a longtemps… Histoire de ne pas se laisser surprendre par la subite survalorisation de la tomate. Le cours du poulet fait l’objet d’une attention toute particulière : il remplace notre dinde de Noël. Du coup, afin d’éviter un éventuel krach de la volaille, l’interprofession avicole du Cameroun (IPAVIC) et le ministère du commerce ont lancé cette semaine une foire aux poulets, avec des prix fixés au kilo. Le poids, la taille et la qualité des poulets mis en vente à la veille de Noël fait l’objet de récriminations et de controverses : « c’est des pigeons ? » , s’exclame une femme devant un étal un peu trop maigre à son goût. La presse s’y met également, et s’interroge : « Y aura-t-il du poulet dans nos plats de fêtes de Noël ? » ( Journal du cameroun.com) - histoire que les ménagères affairées sachent à quoi s’attendre…

… pour un Marché de Noël africanisé

Dans la ville, des décorations lumineuses ornent les palmiers et de petits rennes clignotants brillent dans la végétation équatoriale. La grosse tendance fashion en ce moment, c’est bonnet du père Noël : il s’accorde aussi bien avec la petite robe à fleurs qu’avec la tenue de travail du pompiste et du caissier, à Yaoundé. Pour ambiancer les rues et attirer le chaland, les boutiques poussent leurs enceintes au maximum, créant ainsi une cacophonie générale. Le « diktat du bruit dans les fêtes de fin d’année » va rendre les gens sourds, rapporte le Cameroon Tribune.  Le soir, la grande avenue de Yaoundé devient piétonne : les commerçants de la ville ont loué des échoppes pour y vendre leurs produits. Si la formule est la même que son ancêtre allemand, le «marché de la Saint Nicolas »,  l’organisatrice du marché de Noël de Yaoundé, insiste sur « l’africanisation du concept » (« le Marché de Noël arrive », Cameroon Tribune)

Le père Noël peut donc délaisser sa fourrure, sa bouteille de coca-cola, et ses « jingle bells » : ici, ce sera chemisette, vin de palme et bikutsi ici ! Joyeux Noël à tous !

1 commentaire:

  1. Le krach de la tomate et de la volaille, j'aime!
    "C'est des pigeons", j'adore!
    Et apres "Y aura t-il de la neige a Noel", "Y aura t-il du poulet a Noel?", c'est irresistible!
    La comparaison est juste excellente! Merci pour cet article leger, decale et bien documente. Continue, continue! C'est vraiment que du bonheur.

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