En 1952, Frantz Fanon, un psychiatre martiniquais, publie son célèbre essai : Peaux Noires, Masques Blancs, dans lequel il analyse les traumatismes infligés par le colonialisme sur le psychisme des hommes et des femmes noires. Il fait état des meurtrissures et des névroses, liées à la couleur de peau et à ce qu'elle représente. La peau noire est le vêtement biologique d'une identité en souffrance. Ainsi, mentionne Frantz Fanon, « La civilisation blanche, la culture européenne ont imposé au Noir une déviation existentielle », qui le pousse à vouloir ressembler au Blanc – et à la civilisation même qui a déconstruit la sienne.
Ce livre est paru dans un monde colonisé. Il est aujourd’hui un ouvrage de référence et a inspiré de nombreux penseurs. Depuis des décennies se sont écoulées… Cependant, lorsque j’arrive au Cameroun en 2009, je suis confrontée à cette question de couleur de peau et d'identité en permanence. Ici, on « whitise » : c’est lorsque les black parlent, mangent, marchent comme des white. Ici, on se moque un peu de ceux -ci car le naturel revient au galop : il suffit de peu (un mot de patois, une attitude) pour qu’ils soient démasqués et réinvestissent leurs peaux d'africains.
A l’inverse, on m’a complimentée lorsque je me suis « camerounisée ». Lorsque je grille une priorité en voiture ou que je marchande sans relâche le prix d’un poisson braisé, c’est que, ékyé, j’ai déjà appris. Je ne suis pas encore une Atangana. Pour cela, « il faut durer », être en Afrique depuis longtemps, connaître toutes les ficelles, se « débrouiller » comme une africaine. Les Atangana ont déteint, mais ils en sont fiers : cela veut dire qu'ils sont adoptés (adaptés?).
A l’inverse, on m’a complimentée lorsque je me suis « camerounisée ». Lorsque je grille une priorité en voiture ou que je marchande sans relâche le prix d’un poisson braisé, c’est que, ékyé, j’ai déjà appris. Je ne suis pas encore une Atangana. Pour cela, « il faut durer », être en Afrique depuis longtemps, connaître toutes les ficelles, se « débrouiller » comme une africaine. Les Atangana ont déteint, mais ils en sont fiers : cela veut dire qu'ils sont adoptés (adaptés?).
Je crois qu’auparavant, je n’avais jamais été consciente de ma couleur de peau. Ici pourtant, c’est un choc lorsqu’on me le rappelle chaque jour dans la rue, au marché, dans les taxis. On m’appelle « la blanche », de manière sympathique ou cinglante, c’est selon. Mais on m’appelle aussi « Madame » - en signe de déférence exagérée- bien plus souvent qu’à mon tour. Ou encore, dans les villages, « Maman ou Tata », titres de respect qui ne devraient pas m’être décerné par des plus âgés que moi... et pourtant. Bref, je ne suis jamais considérée d’égal à égal – chose dont j’avais le plus souvent l’habitude en vivant en France.
De nombreuses camerounaises se décapent la peau avec des produits violents pour blanchir, et les femmes blanches vont bronzer pour brunir… En arrivant au Cameroun, je prends conscience que nous avons tous des peaux et masques interchangeables et pourtant difficile à partager. C’est mon premier décalage, pour lequel j’ai eu bien du mal à me rééquilibrer.
De nombreuses camerounaises se décapent la peau avec des produits violents pour blanchir, et les femmes blanches vont bronzer pour brunir… En arrivant au Cameroun, je prends conscience que nous avons tous des peaux et masques interchangeables et pourtant difficile à partager. C’est mon premier décalage, pour lequel j’ai eu bien du mal à me rééquilibrer.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire